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Sainte-Justine, de mère en fille

Sainte-Justine est le théâtre de certains de mes souvenirs les plus lointains.

C’est là que je suis née, vers la fin des années quatre-vingts. Un minuscule bébé de trois livres et demie, arrivé plusieurs semaines trop tôt. C’est là que j’ai passé les premières semaines de ma vie, dans un incubateur où mes parents venaient chaque jour glisser les doigts pour saisir doucement mes poings fermés. Là que j’ai reçu mon diagnostique, à l’âge d’un an : diplégie spastique – une forme de paralysie cérébrale qui, dans mon cas, affecte les membres inférieurs.

Bien sûr, je ne me souviens de rien de tout cela. Je ne me souviens pas de ma première nuit, où ma mère, sous le coup de l’émotion, m’a chanté « Minuit, Chrétiens » même si Noël était passé depuis plusieurs mois. Je ne me souviens pas non plus du jour où j’ai pu enfin quitter l’hôpital, à un mois de vie. Mais ces histoires m’ont été racontées mille et une fois et font partie de la trame de mon existence. De mon histoire.

Ce dont je me souviens, c’est de toutes ces visites, de ces rencontres avec des pédiatres, physiothérapeutes, ergothérapeutes et j’en passe – des gens qui, même à travers mes yeux d’enfant, ne m’ont jamais inspiré autre chose qu’une douce bienveillance. 

À l’âge de cinq ans, j’ai été hospitalisée à Sainte-Justine pour y subir une chirurgie complexe – une radicellectomie sensitive partielle. On irait sectionner certaines fibres nerveuses situées dans la moelle épinière afin de réduire la spasticité de mes membres inférieurs et améliorer ma motricité. En 1992, c’était une intervention encore toute récente. J’ai su plus tard que mes parents étaient morts d’inquiétude à l’idée de me faire traverser cette épreuve. Ils ont été guidés par les précieux conseils du Dr Pierre Marois, qui m’a suivie depuis mon plus jeune âge et s’est si souvent montré rassurant, éclairé, humain. Il a été, pour ma famille et pour moi, une présence inestimable durant toute mon enfance.

Au fil des épreuves, des rendez-vous, des séances de physiothérapie, j’ai grandi. Puis, je suis devenue adulte. Les années ont passé, et en janvier dernier, c’est à Sainte-Justine que j’ai accueilli ma fille, Simone.

J’étais nerveuse, ne sachant pas si mon handicap risquait de rendre l’accouchement plus difficile. Dans les mois précédant la venue de Simone, j’ai appris que la chirurgie que j’avais subie à l’âge de cinq ans rendait impossible l’administration d’une épidurale. J’ai lu, j’ai posé des questions. J’ai écouté attentivement les conseils de mon obstétricienne, j’ai rencontré l’anesthésiste pour connaître les options qui s’offraient à moi. J’ai même contacté le Dr Marois de mon enfance. Après tout, personne ne connaissait mieux que lui les détails de mon cas. Ils m’ont tous rassurée.

À travers mes inquiétudes de maman en devenir, pourtant, une chose demeurait certaine dans mon esprit : Sainte-Justine était le meilleur endroit pour accueillir ma fille. Nous serions bien entourées. Nous serions en sécurité.

Moi, bébé, venant de rentrer à la maison
Lors d’un traitement que je reçois, en 1989
Avec ma maman

Puis, Simone s’est enfin pointé le bout du nez. L’accouchement s’est déroulé comme prévu, sans drame, sans peur. 

Au moment de sa naissance, pourtant, elle travaillait un peu trop fort pour respirer. Tout en me rassurant, en me disant que tout était normal, le personnel m’a expliqué qu’on lui installerait un petit masque pour l’aider, le temps qu’elle s’habitue à son nouvel environnement. Pendant quelques secondes, j’ai senti l’anxiété monter. Puis, j’ai vu les sourires du médecin, de l’infirmière. Tout irait bien. 

Et c’est vrai : tout a bien été. Au moment de quitter l’hôpital avec une toute petite fille dans les bras, je n’ai pas pu remercier une à une chacune des infirmières qui ont accompagné ma famille durant les premiers jours de la vie de Simone. Votre présence, vos conseils, votre patience ne seront pas oubliés de sitôt. 

Aujourd’hui, lorsque je passe devant cet hôpital qui m’a vue grandir, je ne pense plus aux rendez-vous, aux séances de physiothérapie, aux longs jours de convalescence. 

Je pense à ma fille qui grandit déjà et qui, entre ces murs, a ouvert les yeux pour la première fois. 

Ma fille Simone, et moi
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