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Devenir papa : la force d’être vulnérable

Jonathan et sa fille Théa dans les bras

« Il y a un problème avec votre bébé. » Je vais toujours me souvenir de ces mots. Sans même le savoir, ils marquaient le début d’un long et difficile parcours au cours duquel notre petite Théa a dû se battre, à de multiples reprises, pour rester en vie.

À 20 semaines de grossesse, lors de l’échographie de morphologie, nous étions tout excités à l’idée de connaitre le sexe de notre premier bébé. Allions-nous avoir un garçon ou une fille? Le fameux « l’important est un bébé en santé » trottait dans nos têtes, mais avant de le vivre, on pense que ça n’arrive qu’aux autres, des bébés malades.

L’échographie a duré longtemps. Trop longtemps. Les mots « votre bébé a une hernie diaphragmatique » résonnent encore dans ma tête. Ils ont été le point de départ d’une année remplie de stress et d’inquiétude dans nos vies de nouveaux parents.

La hernie diaphragmatique de Théa était énorme : son foie, ses intestins, son estomac, et d’autres organes abdominaux étaient entièrement dans son thorax, empêchant ses poumons de se développer et de grandir. Son volume pulmonaire était mesuré régulièrement, mais le constat restait le même : le poumon gauche de Théa est non visible aux échographies, et son poumon droit est minuscule. Malgré l’ampleur des complications de santé de notre fille à naitre, nous avons refusé de mettre fin à la grossesse, puisque cela n’a jamais été une option pour nous. On allait tout faire ce qui était en notre pouvoir pour lui assurer un futur lumineux.

Devant la complexité et la rareté de la condition de Théa, les équipes de Sainte-Justine nous orientent vers une chirurgie expérimentale in utero pouvant être réalisée à Toronto. L’objectif : maximiser ses chances de rester en vie à la naissance, en accélérant la croissance de ses petits poumons durant la grossesse.

Théa a finalement vu le jour le 25 septembre 2019, assez forte pour affronter les défis à venir. Au CHU Sainte-Justine, elle a dû subir de multiples chirurgies (notamment pour lui poser un bouton de gastrostomie et une valve antireflux). Un long marathon qui s’est échelonné sur six mois d’hospitalisation, dont plusieurs aux soins intensifs.

Théa après sa naissance aux soins intensifs

Non pas sans complications – notre fille est passée près de la mort à de nombreuses reprises, Théa a déjoué tous les pronostics et a gradué du CHU Sainte-Justine en championne, prête à vivre sa vie d’enfant.

Nous sommes rentrés à la maison en mars 2020, en plein début de pandémie, avec de l’oxygène la nuit, du gavage, et de nombreux médicaments. Aujourd’hui, Théa respire d’elle-même, n’a plus de gastrostomie et ne prend plus aucun médicament. Même si, aujourd’hui, elle ne se souvient pas de ce parcours et mène une vie normale à l’aube de ses 3 ans, nous comme parents, nous ne n’oublierons jamais. Moi, son papa, je ne l’oublierai jamais, ayant encore de la difficulté à la traiter comme une enfant normale.

Le père et la mère de Théa dans la chambre d'hôpital du CHU Sainte-Justine

Être papa dans la maladie

Je me considère comme un papa très ouvert sur ses émotions. J’ai souvent pleuré pendant ce parcours. Ça m’arrive encore aujourd’hui, alors que notre fille se porte très bien. Pourtant, je me suis souvent jugé, en me disant « je ne veux pas que ma blonde me voie pleurer, je dois rester fort pour elle et pour Théa ».

En tant que papa, on a souvent cette pression de devoir « rester fort » pour notre famille, mais s’il y a une chose que cette épreuve m’a apprise, c’est qu’on a le droit d’être vulnérable et c’est même important de l’être. Être fort, c’est savoir être transparent dans ses émotions. C’est savoir vivre les moments tristes, et savourer les victoires.

­« Chaque jour, malgré mon stress constant lié au fait que ma fille vit avec une patch artificielle qui permet à ses organes de rester en place, j’essaie d’être le meilleur papa possible pour elle. J’essaie de la laisser vivre sa vie d’enfant et j’éprouve de la fierté à lui montrer une figure paternelle qui ne craint pas de vivre ses émotions. Pour moi, c’est très important qu’elle voie son papa être triste, autant qu’être heureux. » 

À travers cette très longue hospitalisation, je n’ai jamais senti de jugement de la part du personnel infirmier, des médecins, des chirurgiens et des autres intervenants. Au contraire, j’ai trouvé aux soins intensifs et au CHU en général, une deuxième famille. C’est un lieu où je me sens en sécurité, et surtout, où je me sens compris. J’ai souvent pleuré devant les équipes de Sainte-Justine, et leur appui et leur empathie étaient tellement appréciés dans des moments aussi difficiles.

Peu importe avec qui nous discutions : tous sont d’excellents communicateurs, vulgarisateurs, et surtout des humains qui font preuve d’une énorme empathie envers les parents qui vivent des épreuves aussi déchirantes. Il n’y a pas de mot pour décrire mon appréciation envers toutes ces personnes avec qui, pour certaines, j’ai même créé des liens d’amitié au fil de notre parcours.

Une cause plus grande que nature

Les dons sont au cœur des soins offerts aux enfants. Mais on oublie parfois que les parents aussi sont pris en charge par les différentes équipes de Sainte-Justine. Les dons participent à soutenir l’expertise d’une panoplie de spécialistes dont les familles bénéficient grandement. Que ce soit par du soutien psychologique ou encore par des pratiques plus douces et humanisantes, nos cœurs de parents ne sont jamais laissés au dépourvu quand les temps sont difficiles.

Pour le premier anniversaire de Théa, nous avons amassé 1 500 $ pour la Fondation CHU Sainte-Justine, et depuis nous avons choisi d’être donateurs mensuels pour une fondation qui a la mission la plus importante qui puisse exister : offrir des soins d’exception aux enfants et aux mamans. C’est grâce aux dons que des enfants comme ma fille Théa, qui ont des pronostics de survie très faibles, peuvent s’en sortir et mener une vie merveilleuse après leur combat contre la maladie.

Aujourd’hui Théa est une petite fille curieuse, hilarante, enjouée, et ça, c’est grâce à toute l’équipe de Sainte-Justine, qui a su la sauver. Les visites régulières pour rencontrer ses spécialistes sont pour nous la preuve que nous sommes entre les meilleures mains possibles pour notre fille, et même pour son petit frère Arno (en parfaite santé), qui a la même pédiatre que Théa.

En tant que papa, je me sens autant impliqué que ma conjointe dans les soins et suivis de Théa, et je me considère privilégié et choyé d’avoir pu accompagner ma fille à travers toutes les étapes de sa jeune vie. En cette fête des Pères, mon message à tous les papas de Sainte-Justine et au-delà : vous ne regretterez jamais de vous impliquer à fond dans la vie de vos enfants, et d’être toujours présents pour eux.

Jonathan Robidoux-Demers
Papa de Théa et Arno

*Les propos tenus dans cet article n’engagent que la personne signataire et ne doivent pas être considérés comme étant ceux de la Fondation CHU Sainte-Justine.
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